Message des Évêques de la Conférence Épiscopale de Madagascar. “Je m’efforce d’avoir constamment une conscience sans reproche devant Dieu et devant les hommes” (Actes 24,16)

Chers frères et sœurs,

La paix soit avec vous !

01. C’est dans la joie et l’espérance du Christ ressuscité que nous, Évêques de Madagascar, nous vous adressons notre salutation à travers ce message. Nous vous souhaitons ce qu’ont vécu les deux disciples d’Emmaüs : que le Christ soit toujours présent au milieu de nous qui affrontons des multiples crises. Que notre rencontre avec Lui et notre écoute de sa Parole soient source de joie pour chaque famille.

En observant particulièrement la vie de l’Église, nous rendons grâce à Dieu pour l’arrivée de Monseigneur Tomasz Gryza comme représentant du Pape chez nous. L’ordination épiscopale de Monseigneur Donatien Francis Randriamalala, évêque d’Ambanja, et l’intronisation de Monseigneur Zygmunt Robaskiewicz comme évêque de Mahajanga, ont aussi marqué cette année. Les journées nationales des enfants qui se tiendront en juillet 2023 à Antananarivo feront partie de nos intentions de prière, avec notre fidélité aux organisations et consignes des responsables. Le jubilé de l’Espérance, par ailleurs, se dessine déjà à l’horizon de notre foi. Tout cela est grâces pour grâces.

La pauvreté transforme notre “culture”

02. D’un simple regard, nous pouvons dire sur la vie nationale que nous ne pouvons pas négliger les efforts et les réalisations que le régime actuel a réalisées pour ne pas citer que les belles infrastructures (écoles, hôpitaux, revêtement en goudron de quelques routes nationales, les pavés etc.), le recrutement des maîtres FRAM comme fonctionnaires, les travaux “himo : haute intensité de mains d’œuvre” qui permettent aux familles de gagner une certaine somme et les travaux communautaires, l’autorisation des organismes non gouvernementaux et associations qui s’engagent pour le développement, la sécurité dans certaines régions.

03. De l’autre côté, il faut reconnaître la présence de la pauvreté profonde qui fait monter plusieurs plaintes dans tous les niveaux. Notre pauvreté se manifeste presque dans toutes ses diverses formes, aussi bien économique [1] que sociale, morale [2], écologique [3]... La culture, porteuse de vision et de style de vie comme aussi de style de relation est en train de se détériorer progressivement. La conscience même n’est plus écoutée qu’il arrive que des meurtres, des violences, la vindicte populaire, la corruption, des nouveaux nés jetés par leurs propres mères, le vol des yeux des “alibinos”, le vol des ossements, l’exploitation et les trafics des ressources nationales, la drogue, la montée de la délinquance etc...sont admis. Tout cela devient progressivement et malheureusement “culture de la mort” : la corruption et l’indifférence [4], jusqu’à l’indifférence à la loi et celle entre les dirigeants et le peuple ou entre le peuple lui-même. Les dirigeants et responsables qui sont censés donner l’exemple sont les premiers à changer de culture et le peuple ne fait que les suivre. Il est fortement regrettable que des chrétiens en soient les premiers concernés. Il s’agit d’une “crise anthropologique”, selon la vision du Pape Benoît XVI [5].

De plus, beaucoup de promesses ne sont pas tenues ; ce qui met la population dans la déception et à la dérive. Le prix des produits de première nécessité ne cesse d’augmenter et ce d’une manière exponentielle; les agriculteurs et éleveurs se sentent délaissés dans leurs problèmes ; l’enseignement des enfants devient de plus en plus cher et l’éducation perd progressivement sa qualité ; ceux qui perdent leur métiers ; les chômeurs ne cessent de croître en nombre ; les routes dans tout Madagascar se dégradent de plus en plus ; le problème d’électricité et d’eau n’a pas d’issue durable ; et la liste n’est pas exhaustive. La vocation d’être sel de la terre (cf. Mt 5,13-14) et lumière du monde ainsi que comme d’être témoins (cf. Ac 1,8) n’est plus évidente.

04. Notons aussi la dégradation de l’environnement, mais tous, aussi bien les dirigeants que le peuple, semblent être indifférents. Il est urgent d’appliquer la loi et de punir sévèrement les dévastateurs de l’environnement. La sensibilisation écologique relève du devoir de tous : dirigeants, peuple, familles, éducateurs, politiciens, responsables religieux, journalistes, chercheurs, artistes, avec les structures, associations et groupements divers.

Le vote est garant de notre avenir

05. Cette année est une année d’élection présidentielle. En tant que citoyen et chrétien, participer à cette élection est un droit et un devoir. Ce droit et devoir commencent en vérifiant les inscriptions au niveau des listes électorales jusqu’au vote déposé dans l’urne et enfin par l’observation des résultats de l’élection. Nous sommes maintenant dans la période de précampagne électorale. Les manifestations publiques et les pratiques de la propagande sont anticipées. Certains politiciens et candidats profitent même des mouvements sociaux et religieux pour avoir le cœur des électeurs probables. De telles manières d'agir peuvent engendrer conflits et divisions.

Que personne ne soit tentée par l’abstention ni d’influencer les autres à s’abstenir à cause des échecs apparents des élections précédentes. Les efforts faits par chacun et par tous ne sont jamais vains, mais contribuent, au contraire, à l’amour envers la patrie. Ce qui doit guider chacun c’est sa conscience, et non pas l'expression de la majorité ou un intérêt éphémère. La conscience est sacrée et précieuse, car c'est par elle que nous écoutons la voix de Dieu ; nous devons veiller jalousement sur elle.

Rappelons toujours que personne ne peut se prétendre faussement comme candidat de l’Église catholique. C'est le respect des lois et des règlements par tous qui garantit une élection transparente et réussie. Les premiers qui doivent en donner l’exemple sont les dirigeants et les responsables des élections, ainsi que les candidats et ceux qui les soutiennent. Par ailleurs, le respect des lois et des règlements par le peuple est d'une importance capitale pour le bon déroulement des élections. Portons d'ores et déjà dans notre prière ces étapes et les engagements que chacun doit accomplir.

En ce qui concerne le choix du candidat – tout en respectant la liberté de conscience de chacun –, nous voudrions rappeler les critères que celui-ci doit avoir parce que “la politique est un moyen fondamental pour promouvoir la citoyenneté et les projets de l’homme” [6]. Madagascar a besoin d'une personne juste, sage et patriote, c’est-à-dire de quelqu’un qui vit dans la légalité, qui veille scrupuleusement au respect des lois et qui n'a de préférence pour personne. Il faut un candidat qui a sa personnalité, qui ne doit pas être prisonnier ni de la politique de son parti, ni des intérêts de ses proches et de sa région d’origine. Beaucoup attendent de cette élection le choix d'un candidat qui sache écouter et qui soit prêt, avec un projet évident, à relever les nombreux défis pour sortir les Malgaches de la profonde pauvreté dans laquelle ils vivent actuellement – sans chercher à attribuer la responsabilité de cette situation aux précédents dirigeants. Il est nécessaire d’avoir un candidat ouvert et qui ouvre le pays vers d’autres. La Pape François a affirmé : “les nationalismes fermés et agressifs et l’individualisme radical émiettent ou divisent le nous, tant dans le monde qu’au sein de l’Église” [7].

Cœur pur , espérance, engagement

06. Le développement de la nation ne se situe ni dans les reproches réciproques ni dans l’attribution de responsabilité aux autres. Il faut se retourner à la conversion du cœur [8] et le vivre ensemble [9]. C’est du cœur de l’homme dont sortent les mauvaises intentions, selon l’enseignement de Jésus (cf. Mc 7, 16-23). La conversion est nécessaire, un cœur pur est nécessaire à tous pour bâtir une société bien ordonnée et le développement solidaire. Les chrétiens, là où ils se trouvent, doivent être au premier rang pour cette mission.

Lors de la visite Apostolique à Madagascar en 2019, Pape François a été appelé “semeur d’espérance et de paix”. Il a vécu ainsi sa mission auprès de nous. Cette mission est d’ailleurs celle de toute l’Église. Nous sommes l’Église qui doit accomplir cette mission. Puisque l’espérance venant de la résurrection de Jésus notre Seigneur est dans notre cœur, nous ne devons pas baisser les bras, nous ne devons pas suivre seulement le vent de l’histoire. Les chrétiens sont témoins de cette espérance. Donc ils en seront les porteurs au milieu du peuple malgache oppressé par les misères et qui perdent confiance, il y en a même ceux qui sont déboussolés dans leur manière de vivre et de penser. La situation difficile que nous traversons nous interpelle, surtout nous les chrétiens, à nous manifester par notre foi, au sein de notre vie, que nous avons reçu la grâce et l’exhortation de Jésus. Nous allons témoigner que malgré les difficultés de la vie, il est toujours possible de s’accrocher à la foi, faire la justice et la défendre, respecter le Fihavanana et garder les commandements de Dieu. C’est le moment de montrer que seule la conscience qui nous enseigne la vérité. Cette pauvreté profonde nous appelle davantage, nous les chrétiens, à la compassion active notamment envers les petits et les déshérités.

La pauvreté de notre nation nous appelle aussi, en tant qu’Église, à poursuivre et fortifier les efforts engagés au service des concitoyens. Nous rechercherons toujours la voie d’une éducation intégrale et intègre pour les générations futures, par l’école et les mouvements d’apostolat. Le souci des pauvres, des malades, des illettrés, des handicapés et des exclus est le critère permettant d’attester que notre pratique de la foi n’est pas hors de l’Évangile. Nous poursuivrons et travaillerons encore plus notre pastorale de proximité et du développement intégral. Cette promotion est axée sur l’éducation que l’Église prenait toujours en main. Y sera donnée une attention particulière envers le phénomène de drogue qui n’est pas déterminée par l’âge ni le rôle. Pour progresser dans la foi et la promotion humaine, nous prendrons comme priorité le soin de la terre “notre maison commune” et de son environnement. Nous ne devons pas suivre sans discernement ce que font les autres car tout ce qu’ils font ne sont pas toujours selon les normes ; nous suivrons surtout notre conscience qui est censée nous conduire et les autres à Jésus “chemin, vérité et vie” (Jn 14, 6). C’est ce qui nous fait témoins de l’espérance.

Pour une Église synodale

07. “Ne combats pas seul car tu risques d’échouer” dit notre chanson. D’ailleurs, notre synode réitère le cheminement ensemble. Nous faisons face, en Église synodale, aux réalités quotidiennes que nous partageons avec les Malgaches et toute l’humanité. Nous retiendrons bien et ferons style de vie de la récitation que le Pape François a apprise aux Malgaches : “personne ne peut dire : je n’ai pas besoin de toi”. Notre vie d’Église est rythmée par la foi, non par ce que l’on vante partout. C’est par l’enseignement de Jésus Christ que nous sommes appelés à propager la foi ; nous devons faire attention à la propagation des pensées contraire à la foi. Ceux qui désirent se mettre en relation et en collaboration avec l’Église doivent aussi en être conscients pour que notre cheminement commun soit en harmonie. Il est toujours possible de cheminer ensemble.

En concluant notre message, nous tenons à rappeler ce que Jésus a affirmé à Sainte Faustine : “le monde ne sera en paix sans s’abandonner à ma miséricorde”. Nous ferons appel à cette miséricorde divine en la vivant chaque jour. Que Jésus mort et ressuscité soit notre réconfort et ravive son espérance qui est en nous. Que les prières de la Vierge Marie, Reine de Madagascar, celles de Saint Joseph, Protecteur de l’Église Universelle, et celles des saints et bienheureux Malgaches nous accompagnent toujours.

Dans l’attente de la célébration de la Pentecôte, moment privilégié de la descente de l’Esprit Saint à la Sainte Vierge Marie et les Apôtres, nous nous portons dans la prière et nous invoquons les dons de l’Esprit Saint pour remplir nos cœurs, éclaircir notre conscience afin que nous puissions nous convertir et transformer le visage de notre pays.

Nous, évêques de Madagascar, vous bénissons.

Fait à Antananarivo le 18 Mai 2023
Fête de l’Ascension du Seigneur.

S. Exc. Mgr Samuélin Marie Fabien Raharilamboniaina, Évêque de Morondava, Président de la Conférence Épiscopale de Madagascar;
S. Exc. Mgr Filgence Rabemahafaly, Archevêque de Fianarantsoa, Vice-Président;
S. Exc. Mgr Gabriel Randrianantenaina, Évêque de Tsiroanomandidy, Secrétaire Général;
Son Éminence le Cardinal Désiré Tsarahazana, Archevêque de Toamasina;
S. Exc. Mgr Benjamin Marc Ramaroson, Archevêque d’Antsiranana;
S. Exc. Mgr Odon Marie Arsène Razanakolona, Archevêque d’Antananarivo;
S. Exc. Mgr Fulgence Rabeony, Archevêque de Toliary;
S. Exc. Mgr Francis Donatien Randriamalala, Évêque d’Ambanja;
S. Exc. Mgr Georges Varkey Pithiyakulangara, Évêque de Port-Bergé;
S. Exc. Mgr Zygmunt Robaszkiewicz, Évêque de Mahajanga;
S. Exc. Mgr Marcellin Randriamamonjy, Évêque de Fénérive-Est;
S. Exc. Mgr Jean de Dieu Raoelison, Évêque d’Ambatondrazaka;
S. Exc. Mgr Saro Rosario Vella, Évêque de Moramanga;
S. Exc. Mgr Gustavo Bombin Espino, Évêque de Maintirano;
S. Exc. Mgr Jean Claude Randrianarisoa, Évêque de Miarinarivo;
S. Exc. Mgr Fidelis Rakotonarivo, Évêque d’Ambositra;
S. Exc. Mgr José Alfredo Caires De Nobrega, Évêque de Mananjary;
S. Exc. Mgr Fulgence Razakarivony, Évêque de Ihosy;
S. Exc. Mgr Gaetano Di Pierro, Évêque de Farafangana;
S. Exc. Mgr Vincent Rakotozafy, Évêque de Tolagnaro;
S. Exc. Mgr Jean Pascal Andrantsoavina, Evêque Auxiliaire d’Antananarivo;
Rév. P. Jeannot Martial Andrianandrainy, Administrateur diocésain d’Antsirabe;
Rév. P. Raoul Sendratsara, Administrateur diocésain de Morombe;
S. Exc. Mgr Raymond Razakarivony, Évêque émérite de Miarinarivo;
S. Exc. Mgr Michel Malo, Évêque émérite d’Antsiranana;
S. Exc. Mgr Armand Toasy, Évêque émérite de Port-Bergé;
S. Exc. Mgr Antonio Scopelliti, Évêque émérite d’Ambatondrazaka.

1 - Cf. https://www.banquemondiale.org/fr/country/madagascar/overview

2 - Vindicte populaire, avortement, violence, viol, vol sans scrupule...
A titre d’exemple on peut visiter la statistique offerte par OpenStat qui relate la situation de “Vindictes populaires à Madagascar (Donnée sur les victimes de justice populaire à Madagascar)” in Madagascar initiative for Digital innovation

3 - Le Pape François a beaucoup mentionné cette dégradation dans son discours aux autorités politiques et civiles à Madagascar du 19 Septembre 2019.
Cf. “La dégradation de l’environnement à Madagascar : problèmes et perspectives des solutions”, in Revue des sciences, de Technologie et de l’Environnement (RSTE) Volume 3, Edition : Spéciale Université d’ETÉ, Version Online, mise à jour 06-02.2021

4 - Cf. Message du Pape François pour la célébration de la XLIXe journée mondiale de la paix, Gagne sur l’indifférence et remporte la paix, 1 Janvier 2016, n°4

5 - cf. Africae munus, n° 11

6 - Pape François, Message pour la 52ème journée mondiale de la paix, 1er Janvier 2019

7 - Pape François, Message pour la journée des migrants et réfugiés, 2021

8 - Cf. Pape François, Angelus 19 Janvier 2022, “Se fier à la parole qui change le monde et les cœurs”

9 - Cf. Pape François, Message pour la célébration de la journée mondiale de la paix, 1er Janvier 2014, “La fraternité, fondement et route pour la paix”

L'Esprit de vérité vous guidera dans toute la vérité

À l'issue de sa deuxième Assemblée Générale qui s'est tenue du 15 au 18 octobre 2024, la Commission épiscopale Justice et Paix a adressé un message aux responsables étatiques à tous les niveaux, ainsi qu'à tous les Malagasy et à toutes les personnes de bonne volonté.

Lire la suite...

Noël est vraiment jour de grâce, si...

Le Père Innocent Bizimana, Provincial des Salésiens de Don Bosco de Madagascar et de l'Île Maurice, nous présente, au nom de toute la Famille Salésienne de la Province, les vœux de bonheur en cette Solennité de la Nativité du Seigneur.

Lire la suite...

Zatti, notre frère

Le court métrage "Zatti, notre frère" (Argentina, 2020) se concentre sur l’un des épisodes les plus difficiles de sa vie. Nous sommes à Viedma, en 1941: à 60 ans, Zatti est contraint de quitter l’hôpital qu’il a fréquenté pendant des décennies. Sa foi et sa force sont mises à l’épreuve.

Lire la suite...